Madagascar: les rites funéraires au Japon, de la forme et du fond, une inspiration?
Parfois je me demande ce que Ranavalona I aurait pensé du film Silence de Martin Scorsese si elle avait pu—par on ne sait quel miracle—le visionner.
Ou lire le roman de Endo Shusaku dont le film en est l’adaptation—si Ranavalona I avait bien voulu apprendre à lire.
(Je préfère le film au livre en passant, j’en parlerais une autre fois, j’ai quand même des films, des séries, des livres à reviewer, je n’ai pas oublié.

La reine, se serait-elle demandé que peut-être, je dis bien peut-être:
Je verse un peu trop dans la brutalité qui, à terme, ne marchera pas comme je le souhaite?
Peut-être qu’une certaine finesse pourrait mieux aboutir à ce dont je souhaite?—à savoir, ne pas toucher à la fondation de notre système de croyances locales, telle est la condition sine qua non de l’ouverture (que je ne rejette nullement).
Je pense à cela car en voyant les photos de tombes malgaches qui défilent car l’algorithme de Facebook a cru bon de le faire, je me suis mis à penser aux rites funéraires japonais.
Je ne sais pas trop pourquoi.
Ou bien si, je ne sais que trop pourquoi.
Je trouve leurs rites:
- élégants;
- classes;
- pragmatiques;
- bien pensés;
- bien exécutés;
- avec esthétique;
- et précision.
Et je me suis aussi rappelé que:
- les Japonais, ils célèbrent leur mariage dans des sanctuaires shinto certes mais surtout dans des églises chrétiennes (si si);
- les Japonais, ils organisent leurs funérailles façon bouddhiste.
Ils ne sont pas chrétiens mais ils célèbrent leur mariage dans une église chrétienne. Ils célèbrent aussi Noël.
Ils ne sont pas tous bouddhistes mais leurs funérailles se font surtout selon les rites bouddhistes.
Le christianisme vient de l’Ouest, des Européens, des Italiens, des Jésuites.
Le bouddhisme vient de l’Inde, puis la Chine le trouve intéressant, et l’adapte, le sinise.
(Le christianisme ne s’est pas laissé siniser. C’est pour ça que ça n’a pas percé, voyez-vous.)
Siniser, c’est comme malgachiser en passant.
Mais ils le font, de toute évidence, bien mieux que nous.
Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, comme on dit.
Le Bouddha svelte et sérieux indien devient un Bouddha dodu et heureux chinois.
Tout ça, c’est déroutant pour Madagascar me diriez-vous?
Peut-être bien.
A première vue, oui.
Sur la surface, oui.
Pour le Malgache (ou Malagasy si vous voulez) qui aurait perdu de vue ses racines, peut-être bien.
Et on est presque tous dans ce cas—avoir perdu de vue nos racines.
Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, comme on dit.
Et renouer avec ses racines qu’on a perdu.
En adaptant.
En s’adaptant.
Et savoir bien s’adapter.
Et là on verra qu’on n’est pas si différent des Japonais que ça quand on y pense.
Quand on y pense en terme de fond.
Et non de forme.
De fond.
Et non de forme.
Il y a très longtemps de ça, j’ai eu l’occasion de voir des diplomates japonais présenter les condoléances lors des obsèques de ma grand-mère (celle sans qui je n’aurais sans doute pas eu cette obsession pour l’écriture—elle écrivait chaque jour dans son journal—ni cette obsession pour la connaissance—elle regardait chaque soir Questions pour un champion).
Je n’ai jamais vu rien d’aussi élégant. Ils sont en costumes sombres🕴️, s’inclinent élégamment et un certain temps assez court mais avec un zeste d’éternel face à l’enveloppe corporelle de ma grand-mère, ne font aucun discours (en tout cas, de là où je suis, je ne les vois pas discourir, et s’ils le font, c’est d’une brièveté, mais j’en doute), puis ils déposent le koden sans enveloppe (ou le famangiana) en s’inclinant, toujours.
Je me suis dit, ils ne disent rien, ne font pas le kabary.
Hum…
Mais quand on y pense, ils ont tellement raison de ne rien dire.
Car que dire face à la perte d’un être cher, que dire face à la mort qui emporte à jamais cet être de chair et de sang qu’un instant plus tôt encore était là?
Que dire face à cela sinon… rien?
Ou bien…
Garder le kabary, mais le rendre:
- bref: pour préserver la famille et les proches de la fatigue;
- sincère: éviter les verbiages pompeux que l’on récite juste, et rester dans la sincérité, dans le domaine du coeur qui parle.
En tout cas, c’est ce que je me suis dit en repensant à ce moment que l’on pourrait dire clé dans la construction des fondations de ce que je suis devenu.
Et ceci, mine de rien, fait partie d’une série de réflexions que je mène autour du kabary.
Le premier post étant une brève allusion à la naissance du kabary tsy valiana dans une première réflexion sur le Temps
Et mon prochain post sur le kabary fera un bond dans le temps, de Radama I à Ratsimandrava.
Alors, en admirant les rites funéraires japonais à travers le temps, j’ai aperçu que le Japon s’adapte.
Et comment le Japon s’adapte.
Pour plus d’une raison.
Mais disons que les obsèques sont coûteux.
Et les terres ne sont plus aussi vastes qu’avant.
Et les vivants les trouvent bien placés et envient la vue, mais pas que.
Ainsi les rites funéraires japonais deviennent de moins en moins complexes.
Tout en gardant sa grâce et son essence.
A titre d’exemples, disons que désormais:
- 99% choisissent la crémation;
- de plus en plus optent pour des funérailles sans tombeau—disperser les cendres en mer, à la montagne, etc;
- de plus en plus ramènent l’urne (contenant les cendres de l’enveloppe corporelle de l’être cher) à la maison.
Les rites funéraires s’adaptent.
Les Japonais ont gardé le fond, et ont adapté la forme.
Au Japon, on garde le fond, et on adapte la forme.
Peut-être une réflexion sur les rites funéraires à Madagascar?
Et le fomba en général.
Peut-être vaudrait-il mieux adapter la forme, garder le fond, pour ne pas perdre le fond en étant ostentatoire sur la forme?
PS: comme à l’accoutumée, la traduction en malgache viendrait plus tard, et les éventuelles corrections fautes d’inattention et tout ça se feraient graduellement.