Démocratie, prélogique et démocratie prélogique
Un post qui se veut être bref mais qui ne le serait pas, je le crains, sur des concepts tels que démocratie et prélogique.
Lundi dernier, le 15 septembre, c’était la journée pour la démocratie, ou quelque chose comme ça.
Démocratie.
Quand même un beau concept.
Encore faudrait-il bien le connaître ce concept—cette démocratie.
Et aussi, bien l’appliquer—car ce n’est pas juste une question d’élection toutes les 4-5 ans qui fait une démocratie.
Et surtout, savoir l’adapter, car pour un marteau, tout est clou, dit-on, faudrait peut-être éviter d’être marteau.
Pour illustrer le concept du marteau 🔨 ici, je me dis que rien de tel que de citer Brian Klaas, un professeur de politique mondialisée à l’University College London dans un article intitulé How Fake Democracies Damage Real Ones publié sur Foreign Policy le 21 juin 2018.
Brian Klaas a dit:
La véritable démocratie exige:
- l’État de droit,
- une presse libre et
- la responsabilité des élus, aussi puissants soient-ils.
Madagascar ne dispose d’aucun de ces éléments. Pourtant, trop souvent, nous laissons passer pour de vraies démocraties des régimes qui n’en sont pas. C’est parce que la communauté internationale traite la démocratie comme un interrupteur.
Un régime est
- soit élu démocratiquement (allumé);
- soit “élu” lors d’un simulacre manifestement antidémocratique (éteint).
Les élections elles-mêmes sont également jugées de manière binaire.
7 ans après, quand on regarde l’état du monde occidental surtout, on se dit qu’il avait quand même mis le doigt sur quelque chose, Brian Klaas. Madagascar étant une sorte de brouillon, de cautionary tale, de laboratoire ou d’avant-garde du Golden Age of Grotesque comme le dit si bien ce Marylin Manson qui sait bien de quoi il parle.
Prélogique.
La prélogique, ou la mentalité prélogique est un terme sorti par Lucien Lévy-Bruhl, un sociologue, philosophe et anthropologue français qui a n’a connu que la période de la préparation à la colonisation et la première moitié de celle-ci.
Un terme qui désignerait une mentalité qui serait étranger à des choses comme:
- la causalité: le lien de cause à effet entre deux choses, ou deux phénomènes, par exemple, une personne que l’on nommerait Ramatoa sort de sa maison le matin et jette ses ordures (ménagères) à même le sol, une semaine plus tard elle se plaint de la saleté de son quartier occultant totalement le lien entre la cause (elle aussi qui jette ses ordures) et la conséquence (son quartier devenant sale);
- la non-contradiction: le principe de vouloir une chose et de ne pas faire son contraire, un exemple sur l’absence de non-contradiction, une personne que l’on nommerait Rangahy sort de sa maison le matin, se plaint des embouteillages, voudrait tellement qu’il y ait moins d’embouteillages, et pourtant, il est seul dans sa voiture, il contribue donc à augmenter le nombre de voitures dans les rues (des rues qui—elles—n’augmentent pas), il agit donc comme si le fait d’augmenter les voitures dans les rues et le fait de vouloir moins d’embouteillages n’étaient pas contradictoires.
La causalité et la non-contradiction seraient donc étrangers à la personne (ou au peuple) dans la dite mentalité prélogique.
Seraient. Notez bien le conditionnel.
Bien évidemment, on pourrait se dire que Lucien Lévy-Bruhl pourrait aussi bien soutenir cette “science” d’il y a un-deux siècles qui consistait à mesurer la taille du crâne pour en mesurer l’intelligence appelée phrénologie puis craniométrie.
Les guillemets sont de rigueur. Reconnue science à l’époque (depuis réfutée) où il fallait justifier la colonisation:
- par la religion d'abord: c’est Dieu qui nous envoie pour libérer cette bande de pauvres sauvages du mal;
- par la morale ensuite: nous sommes supérieurs à eux, regardez comme ils sont inférieurs, il est de notre devoir de les élever;
- par la science tant qu'on y est: les élever certes, mais ils ne seront jamais comme nous, en voilà une preuve scientifique irréfutable. (“La science dit que”, “Trust the science”, ça ne vous rappelle pas quelque chose? 👀)
Car voyez-vous, tout le monde, tous les Français n’étaient pas d’accord avec la colonisation, loin de là, la fin 1800 c’était un peu comme la guerre en Irak au début des années 2000, on serait ainsi tenté de croire qu’ils ont menti aux gens pour forcer cette guerre.
Car c’était la guerre qui a mené au coup d’Etat par un pays étranger du gouvernement en place. (Bon, les prises de pouvoir d’avant cela à Madagascar n’étaient pas non plus des plus “démocratiques” mais… Ce serait pour une autre fois.)
La colonisation c’était ça.
Une prise de pouvoir par la force d’un pays par un autre pays. Des dirigeants d’un pays par les dirigeants d’un autre pays.
Comme ce qu’a fait Adolph Hitler durant la Seconde Guerre Mondiale. Il a pris le pouvoir par la force et a mis ses hommes au pouvoir dans ces pays qui n’étaient pas le sien—du moins au début, ensuite ça l’a échappé, comme on le sait tous.
Un blanc qui colonise d’autres blancs!
Un blanc méchant qui colonise d’autres blancs gentils!
Imaginez le non-blanc qui découvre cela, qui revient au pays en 1945 après avoir combattu les Hitler et ses amis et puis…
Deux ans à peine plus tard: 1947 à Madagascar.
89.000 morts selon les chiffres donnés par l’administration coloniale de l’époque.
Ils ont changé les chiffres depuis.
Peut-être ne savaient-ils pas bien compter à l’époque?
1945, Hitler le méchant qui fait des choses horribles aux gentils.
Puis à peine deux ans après, en 1947, ce sont les gentils qui font des choses horribles aux méchants à Madagascar.
C’est quand même… fou.
Bon, revenons à nos moutons 🐑

Ce concept Démocratie a été traduit en malgache par Manjakavahoaka à la base.
Faisant suite à:
- Manjakavazimba: c’est les vazimba qui règnent
- Manjakandriana: c’est les andriana qui règnent
- Manjakahova: c’est les hova qui règnent
- Manjakagova: c’est les gouverneurs qui règnent
- Manjakavahoaka: c’est le peuple qui règne
Une succession que l’on pourrait apprécier comme une succession bien à la malgache.
Mais Manjakavahoaka n’a pas tellement pris, Demokrasia est préféré à lui, la malgachisation du mot.
La malgachisation passe toujours bien quand il s’agit de Démocratie en Demokrasia mais passe trop souvent mal quand il s’agit d’autres concepts pourtant tout aussi important.
Etrange, ne trouvez-vous pas?
Etrangers au principe de la non-contradiction, un peu plus haut… C’était bien cela, était-ce bien?
Mais quand bien même, Manjakavahoaka n’est-ce pas plutôt la traduction de Populisme quand on y pense?
Il y a tellement de o dans le terme Ouroboros 🐍 qu’on pourrait s’exclamer: “Ohhhh! Mais oui! Ca se pourrait bien, oui…”
J’avais l’intention, au début de l’écriture de ce post, de terminer sur une note présciente en bon auteur de science-fiction que je suis, mais je me suis abstenu à la dernière minute.
Pourquoi?
Ca ferait un trop long post.
Je m’exerce à ne pas faire de long posts.
Ainsi pour finir, de la Prélogique à la Démocratie, peut-être faudrait-il sortir, non de cette démocratie (car ce serait embêtant), mais de cette démocratie prélogique?
Et pour ce faire, rien de tel que de citer ce bon vieux David Lynch qui disait qu’une idée, c’est comme du poisson.
Une idée, c’est comme du poisson. 🍣
N’est-ce pas magnifique?

PS: comme à l’accoutumé, j’écris d’une traite, je me relirais plus tard, éventuellement. Et éditerais tout ça tout ça, au cas où.
PPS: c’est sans doute le début d’une série de posts sur ce sujet qui me tient quand même à coeur (qui est la vie en société, le mieux-vivre en société, le bonheur et la plenitude pour toutes et pour tous, et comment y arriver, quelque chose comme ça)